Footballeur émérite, Georges Weah, seul
Africain à avoir gagné le Ballon d’or mondial en 1995, s’est découvert une
nouvelle vie dans le business. Après s’être aussi investi en politique, Mister
Georges a toujours en tête, de devenir un jour … président du Libéria. Un but
qu’il veut atteindre pour donner une autre courbe à sa vie de défis.
Sa
démarche pleine d’assurance n’a pas changé au fil des années et sa dégaine
renvoie à ses belles prestations sur les terrains de foot d’Afrique et
d’ailleurs. Dans les ruelles de Gorée, Georges Weah a gardé cet air de dandy
qu’il avait toujours. Tout en balançant des épaules et trainant sa silhouette
imposante. Dans les dédales de l’ile-mémoire qui bruisse encore de la fraîcheur
matinale de l’océan, la légende du foot africain distribue des sourires, tapes
amicales avec les badauds qui scandent son nom et autres touristes ravis de
croiser la route du premier et jusqu’ici seul Ballon d’or africain de France
Football. En visite au Sénégal pour promouvoir sa nouvelle marque d’équipement
sportif, Weah a en profité pour faire un pèlerinage à Gorée. Le footballeur
libérien est venu à la rencontre d’une histoire fortement liée à celle de son
pays. Né d’un retour des Amériques d’anciens esclaves, le Libéria, petit pays
d’Afrique de l’Ouest, a vu naître Georges Weah en 1966. Lunettes d’intellos de
mise, barbe de trois jours, « Mister Georges », son nom de code dans le monde
du foot, arbore un nouveau look businessman. Veste bleue avec chemise assortie
ouverte et blue jean, Weah se moule bien dans son nouveau costume d’homme
d’affaires. Il ne se fait d’ailleurs point d’appréhension quant à sa nouvelle
activité. « Il n’y a pas de secret pour la réussite. Que ce soit en sport, en
politique ou en business, il faut travailler dans le discipline et le sérieux
et tout suivra ». Profession de foi du Georges Weah nouveau. Sa collaboratrice
française, Caroline Angelini parle « d’un homme qui va au bout de ses idées ». L’idée
de lancer sa marque Weah Sport lui est venue pour « appliquer ce qu’il a appris
à l’université ». « J’ai fait mon Bachelor et mon master. Il faut que je mette
en pratique ce que j’ai appris à l’école. C’est le business et la politique.
Petit à petit, cela commence à prendre forme et j’espère que cela va continuer
dans ce sens » dit- il. Après avoir bâti petit à petit sa carrière de
footballeur et celle d’homme politique, voici Weah au début d’un nouveau
challenge de politique économique.
MONACO, LE DECLIC. Avant de
faire sa visite matinale ce vendredi à la maison des esclaves de Gorée, Weah
est apostrophé par des touristes camerounais venus pour les mêmes raisons à
Gorée. Les railleries portent sur les misères que « Mister Georges » leur a
faites au tout début de sa carrière, lors des derbies de Yaoundé, entre les
grandes équipes de cette ville, le Tonnerre et le Canon. Daniel un des
touristes, supporter du Canon, lui rappelle, les buts qu’il avait plantés lors
d’une finale. « Georges a porté à bout de bras le Tonnerre de Yaoundé. Avec
lui, ce club s’est sublimé et a remporté beaucoup de titres. Weah est
aujourd’hui encore très populaire au Cameroun ». En fait, c’est là-bas que le
jeune Libérien avait tapé dans l’œil d’un patriarche de celui qui, lui aussi,
deviendra une figure du football … africain voire de la « Françafrique » du
football, au point de passer pour un « sorcier blanc » :Claude le Roy. « Il est
arrivé un jour à l’entraînement de l’équipe nationale du Cameroun, alors qu’il
est Libérien. A 19 ans, il avait les qualités pour être un joueur exceptionnel
: vitesse, dribbles et intelligence de jeu », témoigne Claude dans le journal
L’Observateur. Il l’introduit alors dans la Principauté de Monaco. Sur le
Rocher et sous « l’aile protectrice du grand frère Roger (Mendy) » comme il
l’appelle, « la pépite » dont parlait Claude Le Roy fait des étincelles par ses
qualités de buteur. Avec Monaco où il a passé 4 saisons (1988-1992), Weah
enfile les performances : Coupe de France, demi-finaliste coupe des coupes et
finaliste coupe d’Europe. « Monaco est le club qui m’a le plus marqué. C’est
là-bas que j’ai été formé et où j’ai vraiment grandi », se remémore « Mister
Georges ». C’est pourquoi quand le Prince Albert II lui a demandé lors de la
24ème journée de Ligue 1 française, de venir donner le coup d’envoi du match
Monaco - Psg, Weah a dit « éprouver un immense plaisir ». « J’étais très
content d’être au stade Louis II de Monaco. Je suis très heureux pour Monaco.
Il y a deux ans, Monaco était en deuxième division. Ce n’était pas bien pour
cette ville qui connaît et aime le football. Ils ne sont pas seulement en
première division mais ils ont une très grande équipe. Je connais bien Monaco
parce que j’ai joué là-bas. C’était une très grande équipe », rappelle un Weah
très nostalgique.
MILAN, LA CONSECRATION. Après
avoir brillé de mille feux sur la pelouse du stade Louis II, Mister Georges
s’envole plus au nord et n’atterrit pas n’importe où. Paris, la capitale ! Le
Psg de l’époque est bien loin de l’actuelle ère qatarie. Il confesse même : «
Paris Saint Germain n’était pas un grand club. C’est à notre arrivée qu’il a
pris de l’envergure pour devenir compétitif ». Weah y marque beaucoup et de «
jolis buts ». Des buts qui permettront au Psg d’atteindre ses objectifs en
championnat. Paris devient champion de France lors de la saison 1993-1994 et
fait un parcours honorable en compétition européenne. Et c’est là que le
Libérien croise la route du Milan Ac, club phare de l’Italie et de l’Europe du
foot. « On a joué contre Milan en demi-finale de la Coupe d’Europe. Ils ont
trouvé que j’étais bon et ils m’ont pris». Le départ du serial buteur de la
Ligue 1 au Milan rend sceptiques certains dans le milieu du foot français. On
lui rappelle la mésaventure d’un autre buteur de la Ligue 1 dans la capitale de
la Lombardie, Jean Pierre Papin. Weah se sait très attendu à San Siro et à
Milanello (centre d’entrainement du Milan Ac) où il doit faire oublier un autre
immense buteur, le Néerlandais Marco Van Basten. Mais il fallait compter avec
le mental « du jeune Libérien qui a appris le foot dans la rue ». Mister
Georges fait mieux que peut-être lui-même espère. Il obtient en terre lombarde
un moment de gloire jusque-là unique dans le foot africain. Il y reçoit le
Ballon d’or européen en 1995 après en avoir gagné trois africains (1989, 1994,
1995). Weah rallie tous les sceptiques sur son talent et ses qualités de
buteur. Son record de premier africain à recevoir le Ballon d’or européen tient
encore, près de 20 ans après. Une vraie consécration pour un joueur qui « n’est
pas de la génération des académiciens ou autres sortants d’écoles de football
».
2005, LE NOUVEAU DEPART. Après ses
heures de gloire dans le foot européen, Mister Georges termine sa carrière
entre l’Angleterre (Chelsea et Manchester City), la France (Marseille) et les
Emirats Arabes Unis. Malgré sa renommée et son aura, il a connu une expérience
contrastée en équipe nationale. Il n’a jamais réussi à hisser le « Lone Star »
au sommet comme il l’a fait avec Monaco, le PSG ou Milan. C’est peut-être pour
gommer ce « point noir » que Weah s’est lancé en politique dans son pays. «
Appelé par (ses) compatriotes pour se présenter à la présidentielle », comme il
dit, Weah troque les maillots et blousons pour le costume d’homme politique.
Candidat à l’élection présidentielle en 2005, il est considéré comme favori et
arrive devant au premier tour. Sans doute son caractère « très chaleureux,
attentionné, sensible et désireux de redistribuer ce qu’il a » comme le décrit
sa collaboratrice Caroline Angelini, a fait que les Libériens voyaient en lui
un sauveur. Pour le second tour, il est raillé sur son amateurisme et son
manque d’expérience, lui le candidat dandy et bling bling et « qui a arrêté ses
études au lycée », face à l’autre candidat, Ellen Johnson Sirleaf, ancienne de
la Banque Mondiale et … diplômée de Harvard. Le Liberia épicentre de la zone
conflictuelle de la Mano River proche de la Guinée et de la Sierra Leone,
sortait à peine d’un conflit sanglant. La reconstruction post-conflit ne devait
pas être confiée à n’importe qui, disait-on dans les cercles diplomatiques.
Weah perd les élections mais dans la sportivité. « Pour ne pas encore plonger
le pays dans un conflit », il accepte les résultats. Propulsé par sa popularité
et « son innocence sur la crise vécue par le Libéria », Weah est vu comme une
alternative par la jeunesse de son pays, qui a adulé la méga star « qui
s’investissait pour l’équipe nationale ». Le manque d’expérience et d’études
qu’on lui reprochait, il est en train de le combler aujourd’hui. Diplômé en
management de l’université américaine de Devry, près de Miami en Floride aux
Etats Unis, Weah veut aller au bout de ses idées et devenir en 2017 président
du Libéria. Un but suprême, certes plus difficile que ceux qu’il a plantés sur
les terrains d’Afrique, d’Europe et d’Asie, mais qu’il est convaincu de marquer
un jour…