Les îles du Saloum, ces territoires
coincés entre le bras de mer et l’océan Atlantique sont des zones difficiles
d’accès où la vie de tous les jours est rythmée par la pêche, l’agriculture et
l’élevage. Voyage à travers ces îles mythiques…..
Terre ferme. Traverser
l’eau et rejoindre une île pour un continental, c’est toujours un questionnement
et des inquiétudes. Pour notre équipe de reportage dans iles du Saloum et en
partance pour Niodior et Dionewar, les questions qui revenaient le plus, ce
sont « est ce que la traversée est sûre ? », « y a-t-il des
gilets de sauvetage ? », « y a-t-il des accidents souvent ? ».
Autant de questions qui font sourire aux autochtones, ces insulaires du Saloum.
Malgré leurs réponses rassurantes disant qu’il n’a jamais eu de problème ou
d’accident lors des traversés, nos esprits n’étaient tout le temps pas rassurés
jusqu’à ce qu’une femme commerçante rencontrée au hasard vienne semer le doute
dans nos têtes. « Je suis une commerçante laobé qui ne cherche que le
profit. Je parcours les îles. Je suis souvent à Mare Lodj où la traversée est
plus calme. Mais Dionewar et Niodior, je
ne vais plus y aller. Ce qu’on vend pour 300 francs à Mare Lodj, c’est à 500
francs qu’on l’écoule à Dionewar et Niodior. Mais la traversée est risquée. Il
faut passer là où se rencontrent le bras
de mer et l’océan. Dès fois il ya des vagues, donc il faut un piroguier qui manœuvre
bien ». A l’entendre parler quelques voix dans l’équipe demande de
renoncer à ce déplacement. Pas découragé par ses propos et avec une folle envie
de découvrir et de faire connaitre ces merveilles que constituent les îles du
Saloum, la décision de partir et de braver les eaux capricieuses du bras de mer
et de l’océan est prise. Au nombre de 24 (certains parlent même de plus), les
îles du Saloum sont des territoires coincés entre le bras de mer et l’océan Atlantique.
Essentiellement habités par des sérères pécheurs, appelés Niominka, les îles
recèlent d’un patrimoine culturel riche, d’un paysage paradisiaque et une façon de vivre propre à ces insulaires
fiers et heureux. Pour aller à Niodior, la
plus grande des îles du Saloum, il ya plusieurs chemins qui commencent d’abord
par la route. A partir de Fimela, il faut prendre les sentiers qui mènent dans
les champs fertiles et verdoyants de la zone. Preuve que la pluie y a été
abondante. Un slalom dans les pistes latéritiques et sablonneuses fait
découvrir un paysage de forêts de rôniers qui peuplent la zone entre Fimela et
Keur Samba Dia. Des rôniers à perte de vue aussi longs les uns que les autres.
Les regards sont délimités des deux cotés de la route par des exploitations
familiales agricoles ponctuées par quelques villages ou vergers qui bordent le
sentier. Momath Niang, notre chauffeur, rural pur jus, se délecte des images de
champs et se remémore ses histoires de jeune paysan aussi drôles
qu’anecdotiques. Ah la vie des
paysans !
Bordure océanique. Après
quelques minutes de route, Keur Samba Dia, avec une agitation loin de la
torpeur traversée et le calme des champs. Juste sur le chemin avant ce village,
quelques scènes de vie de saison d’hivernage. Toujours les mêmes images archaïques
et historiques. Deux paysans dans un
champ. Souvent un enfant tenant le
cheval guidant un adulte derrière la machine. Une traction animale avec des va et vient sur les sillons
bien tracés. Images normales et naturelles de zones rurales…..A Keur Samba Dia,
c’est jeudi, jour de marché hebdomadaire ou « louma », avec
l’économie rurale qui anime la zone et en fait un jour de retrouvailles.
Derrière les étals toujours les femmes rurales qu’on colle l’étiquette
flatteuse de « battante et débrouillarde ». Keur Samba Dia, sans
doute l’une des bourgades les plus animées de cette zone tampon entre la terre
ferme et les zone atlantique, est célèbre pour être le village d’origine de
l’ancienne Première Dame Elisabeth Diouf. On raconte que ce village était très
choyé du temps du régime socialiste sous Diouf. A la sortie de Keur Samba Dia,
c’est la route en chantier. Celle qui va relier après finition, Joal à Djifer
en passant par ce village. C’est aussi le premier contact avec l’eau, d’abord
celle de la pluie retenue par quelques mares. Et puis l’océan, à l’horizon
bleu, qui est devenu notre nouveau compagnon de route. Au loin, on aperçoit les pélicans et autres oiseaux qui vivent à
coté de la mer. Crépitements d’appareils photos et Smartphones pour
immortaliser la progression dans un beau mouvement d’ensemble des oiseaux. Tout le monde dans la voiture se découvre une passion d’ornithologue.
L’océan toujours là constitue une bordure
pas tout temps protectrice de la zone. La traversée des quatre Palmarin (Facao,
Ngueth, Ngoundoumane, Diakhanora) est là pour le confirmer. Ces quatre villages
vivent sous la menace permanente de la mer qui avait même fait déplacer en 1989
l’un d’eux. Sur la route qui passe par ces villages, une vie active avec des femmes allant au marché, des clients attendant seuls rares bus de
transport et voiture « clando » qui empruntent l’axe. Au bout d’une route
cahoteuse, cabossée, capricieuse, et crevassée
souvent par les eaux de pluies, se
pointe Djifer. Partie la plus proche de la mer de la zone continentale.
Une grande agitation contrastant avec tout ce qui a été traversée nous
accueille. On se demande comment la partie la plus excentrée de la zone, juste
à coté de l’océan, puisse recevoir autant de monde, de vie et d’activités. L’explication
est au quai de débarquement du village. Une intense activité de débarquement de
pirogues, de manutentions, de remorquage, de chargement de caisses de poissons
sur des camions frigorifiques rythment la vie ici. La navette des camions frigorifiques
ne s’arrête pas. La prise du jour a été certainement bonne. L’embarquement et
le chargement des caisses de poisons se fait à grande vitesse. Le trajet en
voiture se termine là et commence celui en pirogue.
Pieds dans l’eau. Le
« Courrier » nom donné à la pirogue qui transporte les personnes et
les biens entre la terre ferme et les îles a des horaires fixes. Le matin, il
quitte Djifer à 11h30 et 15 heures pour y revenir le lendemain à l’aube. Si tu la
rate, faudra louer une pirogue avec des tarifs entre 7500 francs à 15 000
francs. Dès l’embarquement sur la pirogue, la différence entre allogènes et
autochtones se fait sentir. Le premier geste pour les étrangers, c’est
d’enfiler les gilets de sauvetage entassés sur la pirogue avec une peur et des
inquiétudes qui se lisent sur les visages. Certains comme ce jeune commerçant à
l’allure « Baol Baol », écharpe nouée sur la tête, le nez collé à des
« Khassaïdes », psalmodient des versets. D’autres sont calmes, assis sur des planches à
bois disposés sur les cotés. Composés de femmes, d’enfants et de quelques jeunes, les
passagers de la pirogue quittent le rivage pour démarrer la traversée en
silence. Dès que l’ancre est jetée, quelques minutes suffisent pour être sur
l’eau avec au loin Djifer et sa plage animée qui s’éloignent de plus en plus. A
part quelques pirogues de pêcheurs revenant de mer, aperçus au loin, la nôtre
attaque en solo le bras de mer pour rejoindre Niodior. Le seul compagnon pour
les passagers est le chaud soleil qui tape directement à cette heure de la
matinée. La première vue de terre est celle de l’île de Sangomar qui fait face
à Djifer. D’ailleurs les pêcheurs trouvés sur place racontent que Sangomar et
Djifer étaient collés. La séparation des deux corps a eu lieu en 1985 lors d’une ras de marrée,
raconte t-on sur place. Maintenant chacune des territoires se regardent d’en
face sur le lit de l’océan. Sangomar, l’île mythique, devenue célèbre pour sa
pointe qui porte le nom du premier avion de commandement du Sénégal, est pleine
d’histoires et de légendes. La légende locale dit qu’elle n’a pas de présence
humaine mais est habitée par le génie de l’eau de la zone dont les colères
« très rares » sont terrifiantes et troublantes. L’île est vue de
loin et on peut contempler la végétation qui a poussé dedans avec un paysage
verdoyant. Là les paroles de la femme commerçante reviennent aux esprits. A ce
moment aussi, les premières réactions au contact de l’eau des passagers
étrangers se voient. Une jeune fille n’arrête pas de vomir sous le regard compatissant de sa mère.
Le mal de mer est passé par là. Une vingtaine de minute a suffi pour voir
Niodior se pointer devant les regards des passagers sans doute pressés de
quitter l’eau qui pourtant est toute calme en cette fin de matinée. Le voyage
tant craint se passe sans anicroches ou autre mésaventure. « C’est la
marré basse. C’est pourquoi tout est calme » confie le piroguier.
Vie(s) d’insulaires. A
Niodior sur le pont de débarquement en dur qui se jette sur le bras de mer, un
comité d’accueil est là pour recevoir les passagers de « l’horaire »
qui dessert l’île quotidiennement. A chacune des arrivées du
« Courrier », les enfants se
font des porteurs de bagages de circonstances et n’hésitent à vous proposer un
transfert à l’intérieur de l’île à dos de charrette d’âne ou de cheval, seul moyen
de transport à l’intérieur de Niodior. Dans les ruelles bruissent la brise
marine de cette fin de matinée qui donne
à Niodior une senteur et une
fraîcheur propres aux îles. L’architecture
est de type très sahélienne avec des certains bâtiments marqués par l’âge et
aussi par l’érosion marine. Dans les dédales de l’île, rien d’extraordinaire.
La vie de tous les jours dans un village normal : des enfants sur un
terrain de foot de fortune, des séances de thé avec des adolescents, des grands
place de personnes du troisième âge à coté d’une mosquée en coquillages. Ce matin là, l’île est traversée par une
triste nouvelle. Le chef de village venait de perdre sa femme. Même dans les
regards et paroles, tout le monde partage la peine du chef. « C’est comme
cela dans l’île. On partage les moments de joie et de peine » nous dit un
jeune. Plus grande des îles du Saloum, Niodior est aussi proche d’une autre,
Dionewar qui se trouve plus au sud. Pour s’y rendre, un trajet à charrette s’impose
à moins d’opter pour la marche de quelques kilomètres en enjambant un point en
dur construit sur les mangroves. Notre traversée du pont est aussi anecdotique
que cocasse. La charrette affrétée par le chef de village
de Dionewar nous a pris à Niodior pour un petit voyage riche en couleur avec
une petite vue de l’arrière du village où se mêlent mangroves et petite végétation
. Les mesures du pont sont callés sur celles de la charrette. A Dionewar, la
ressemblance est la même qu’à Niodior. L’île fait face aussi à l’océan et à
Sangomar. Après une journée passée à Niodior et à Dionewar, le soleil commence
à décliner, signe que la nuit s’annonce. Faut faire vite avant la marée haute
sinon le voyage sera risqué sur le bras de mer. Rares ce sont les
« Courriers » qui font la traversée en fin de soirée. Le seul moyen
de quitter l’île, c’est de louer une pirogue moyennant plus de 10 000
francs. Avec l’entregent du chef de village, une pirogue est louée pour rentrer
à Djifer. Le voyage retour ne sera pas identique au retour. La marée haute est
passée par là. Après quelques minutes de pirogue, nous affrontons le bras de
mer qui s’est rempli entre temps avec des eaux plus capricieuses. Malgré les
assurances de notre piroguier, pêcheur de son état, quelques membres de
l’équipe n’ont pas pu garder leur calme lors de la traversée. Dans quelques
zones de turbulences où la pirogue tanguait un peu ce sont cris, peurs et autres inquiétudes qui ont fait
marrer les deux piroguiers toujours calmes et posés. Après un petit voyage assez
mouvementé, Djifer s’annonce avec plus d’ambiance que le matin. Le quai de
débarquement est animé avec beaucoup de pirogues revenant de pêche et accostées sur le rivage. Nos piroguiers
rebroussent chemin après nous avoir déposés. Au loin du bras de mer, leur
embarcation emprunte le même trajet pour rentrer. Ainsi va la vie de tous les
jours des insulaires du Saloum…..…
Le transbordement des marchandises rend
la vie chère …….
Au
quai de débarquement de Ndagane Sambou où partent les « Courriers »
qui desservent les îles situées non loin comme Mare Lodj, Facao, ou encore
Bassoul, les pirogues transportent des personnes mais aussi beaucoup de
marchandises. Chaque jour que les passagers embarquent pour rejoindre les îles,
ils voyagent à côté de marchandises souvent de grande consommation comme le
riz, l’huile ou autre et aussi du ciment. Tout ce qui se consomme ou se
construit dans les îles vient du continent. Avec le transbordement sur les
pirogues, cela se répercute sur le prix de revient des marchandises. Ce qui
fait que la vie devient chère comme le reconnait Augustin Senghor, enseignant
habitant à Mare Lodj. Insulaire, Senghor vient passer les grandes vacances
après chaque année scolaire à son Mare Lodj natal. « La vie dans une île
est-elle facile ? » lui demande-t-on. Une réponse sans ambages en
disant que « c’est la meilleure des vies ». « C’est calme,
reposant et aussi dans l’île, nous constituais une même famille. On se partage
tout : malheur comme bonheur. En plus, il y a une grande solidarité
ici ». A côté de cela, l’autre écueil dans la vie des îles du Saloum,
c’est la cherté de la vie comme le reconnait Senghor. A Dionewar aussi, c’est
le même discours. Selon le chef de village, Mouhamadou Lamine Ndong, la cherté
de la vie est une réalité dans son île. « La vie est chère ici à cause du transport. Tout ce qui est
consommé ici est transporté à partir de la terre ferme. On répercute le
transport sur les prix. C’est pourquoi cela coute excessivement cher »
explique-t-il. Ainsi pour faire face à cette situation, à Dionewar, une
trouvaille a été mise en place par les femmes. « A Dionewar, nous avons
une tentative de solution. Dans les années 1996, on avait regroupé les femmes
en Gie. Elles avaient un projet un central d’achat qui existe toujours. Ce qui
fait que les prix là-bas sont moins chers » poursuit-il. Côté activités,
la vie économique des insulaires du Saloum est partagée entre la pêche,
l’élevage et l’agriculture. « L’activité principale à Dionewar est la
pêche, la transformation des produits de la mer par les femmes, la cueillette
des fruits de mer par les aussi et un peu d’agriculture (maïs, niébé bissap).
Nous ne cultivons pas de mil, parce qu’on a beaucoup d’oiseaux granivores.
L’élevage est aussi pratiquée mais pas à grande échelle. Nous avons un grand
troupeau confié à un berger peul. Présentement les vaches sont à Sangomar parce
qu’elles ne peuvent pas cohabiter avec les champs. On les transporte par
pirogues. Après les travaux champêtres on les ramène aussi par pirogues. C’est
un troupeau de 200 à 300 têtes » ajoute le chef de village. Dans les
autres îles visitées comme Niodior, Mare Lodj et autres, les activités
pratiquées sont presque les mêmes.
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