Le 28 décembre 2007, le Sénégal est plongé dans une grande tristesse. Il venait d’apprendre que Serigne Saliou Mbacké était rappelé à Dieu. Cinquième khalife général des Mourides, Serigne Saliou a eu à remplir sa mission 17 années durant lesquelles il a géré les destinées de la communauté mouride. Toute sa vie, il a eu comme activité principale la recherche et la propagation du savoir. Le travail occupait aussi une place importante dans sa vie.
C’était un jour du mois de mai 1990, la communauté mouride venait de perdre 11 mois avant, une figure emblématique, le khalife Serigne Abdou Lahad Mbacké. Connu pour sa fougue et son sens de la vérité, Baye Lahad, durant son long khalifat, a marqué les Mourides et la Oumma islamique. Son successeur, Serigne Abdou Khadre, n’a pas eu le temps de prendre ses marques qu’il rejoignit l’au-delà en mai 1990. Face à ces deux chocs brutaux, la communauté mouride verra émerger un homme de grande taille. Toujours habillé en blanc, avec une barbe blanche et des cheveux blancs, sa simplicité est remarquable. Le nez toujours collé au Coran, il a un discours simple aussi. « Toutes mes actions seront orientées vers le développement et le rayonnement de l’Islam. En dehors de ce champ d’action, rien ne pourra retenir mon attention ». Cinquième khalife général des mourides, Serigne Saliou, dès son accession, a donné le ton sur ses intentions de remplir comme ses frères prédécesseurs la mission qui lui est dévolue. Etre un digne héritier de Cheikh Ahmadou Bamba.
Serigne Saliou est né à Diourbel en 1915. A cette époque, son père était sous le coup d’une résidence surveillée dans cette ville du Baol. Du côté de sa mère, il vient d’une grande famille d’érudits : les Diakhaté connus pour leur maîtrise du livre saint avec les nombreux daaras qui étaient sous leur autorité. C’est à cette grande famille Diakhaté qu’appartient aussi Serigne Abdoul Lahad. Fils de Sokhna Fatou Diakhaté, Serigne Saliou a commencé ses humanités auprès de son oncle maternel, l’érudit Serigne Amsatou Diakhaté, un proche et compagnon de son illustre père. Après les premières années de mémorisation du livre saint, Serigne Saliou fut amené chez un autre de ses oncles, Mor Sassoum Diakhaté à Aïnoumane Diakhaté, un village fondé par l’érudit Khaly Madiakhaté Kala. Il embrassa d’autres études à Touba et dans ses environs sous la férule de fervents oncles et d’autres maîtres. Pétri d’intelligence et d’une grande vivacité d’esprit, Serigne Saliou affichait en cette période un goût très prononcé pour l’acquisition des connaissances aussi bien théologiques que scientifiques. C’est fort de toutes ces connaissances acquises au gré de ses pérégrinations, qu’il opta sans doute pour propager le savoir partout au Sénégal.
Le savoir et le travail
Cette grande érudition, Serigne Saliou a voulu la partager avec les plus jeunes « espoirs de demain ». Ses mots résonnent encore quand il demande d’investir dans l’éducation des enfants. Il sera ainsi le premier dans cette entreprise grandiose. Sa renommée vient aussi de son goût prononcé pour l’implantation d’écoles coraniques. Une bonne partie de sa vie a été ainsi consacrée à cette conviction avec l’érection de daaras, ces grandes écoles coraniques où il allait former les jeunes et les mettre sur la voie de l’Islam. La liste est très longue, mais on a des daaras aussi célèbres que Khabaan, Gootte, Ndiouroul, Ndiapp Ndal, Ndooka, Laguène, Nariou Gouye, Darou Salam, Ndjibuguel et Nguédiane. Ainsi de Kael dans le Baol, Thiès dans le Cayor, en passant par Ndoucoumane, Mbour ; Serigne Saliou a porté le savoir pour le rayonnement de l’Islam.
Conformément à la philosophie mouride, le travail fait partie intégrante des daaras auxquels sont joints des champs agricoles. Avant de devenir khalife, Serigne Saliou était connu pour son attachement à la terre. Il était un grand producteur agricole. Cet attachement à la terre restera en lui durant ces 17 ans de khalifat. La vie et l’œuvre de Serigne Saliou ne pouvaient pas être évoquées sans parler de Khelcom. Ce vaste domaine de 49.000 hectares que le saint homme a exploité pour en faire un grand projet économique. Aujourd’hui, ce qui était une vaste forêt a été défriché et aménagé de telle sorte que plusieurs daaras et autres exploitations agricoles puissent y voir le jour. Khelcom, c’est aujourd’hui 15 daaras, des routes goudronnées, des forages, l’électricité, la téléphonie, même mobile. Chaque daara comprenant une mosquée, un réfectoire, un internat, des salles de classe, une surface agricole exploitable avec le matériel adéquat et un important cheptel. L’homme qui a disparu le 28 décembre 2007 a laissé aux Sénégalais l’image d’un soufi détaché du monde matériel avec comme activité principale l’adoration de Dieu. Comme disait l’autre, « ce serait bien de se demander à la fin de sa vie, si on a été utile à soi-même et aux autres ». Serigne Saliou a été d’un grand apport à la communauté mouride et à la Oumma islamique.