« Naniou gnibi Saraba », rentrons à Saraba. Ce refrain de la chanson traditionnelle wolof repris par Seydina Insa Wade a été un titre marquant parmi d’autres contenus dans son riche répertoire. Baye Seydi, le nom affectueux qu’on lui donnait, en référence à son homonyme, grand dignitaire de la confrérie layenne a marqué tant de générations. Ses textes étaient d’une grande richesse. Il n’a oublié dans ses chansons aucune couche sociale, aucune tare sénégalaise, ni aucune grande question qui agite le monde. Précurseur de la musique acoustique dans notre pays, Seydina Insa, la guitare toujours en bandoulière, a traversé des époques et des époques sans que sa musique ne soit altérée ou diluée. Ses thèmes étaient d’une actualité intemporelle. De ses chansons, rejaillissaient ses origines africaines, sénégalaises, son ethnie léboue et sa confrérie layenne. Il n’a jamais oublié de faire référence à la tradition sénégalaise léboue, véritable puits culturel à la source intarissable. Sa vie personnelle et professionnelle a été un long fleuve qui n’a pas été tranquille tout le temps. Malgré la rencontre de beaucoup d’affluents et de courants, Baye Seydi a essayé de rester le même : Africain, Sénégalais, lébou et fier de l’être. Il aimait raconter que tout jeune, il a été obligé de se battre pour devenir musicien face à l’hostilité de sa famille. Fils d’imam, Baye Seydi a commencé à faire de la musique en cachette avant de devenir successivement membre de grands orchestres de son époque. Du « Rio Sextet » au « Sahel », en passant par le « Negro Star » et le célèbre « Xalam 1 », Seydina a été le chantre de la musique acoustique qu’il aimait jouer dans sa langue maternelle, le wolof. De grandes pérégrinations vont le conduire un peu partout dans le monde sans que le cordon ombilical avec sa culture ne soit jamais coupé. Ses albums révèlent son fond culturel lébou quand ils rendent hommages aux dignitaires de sa confrérie layenne. L’artiste est resté le même, malgré sa trajectoire à la rencontre d’autres musiques. Malgré la célébrité d’artiste, Seydina est toujours resté à la hauteur de sa dimension d’homme. Sociable et ouvert, Baye Seydi n’était pas la grande star qui vit dans son monde étoilé.Dans son roman « Boy Dakar », l’écrivain franco-sénégalais, Laurence Gravon décrit un de ses personnages dont la ressemblance avec Seydina Insa Wade n’est pas « pure coïncidence ». Laurence y parle d’un musicien habitant un quartier traditionnel lébou. Un doyen sociable, ouvert, généreux qui a accueilli, nourri et blanchi une sourde muette recherchée par la police, selon les écrits de Laurence. Ce roman basé sur l’imagination de l’auteur, brosse cependant le portrait d’un personnage qui rappelle la personnalité de Seydina Insa Wade. Humble, modeste et généreux. L’artiste Seydina Insa, nous a quittés et nous a laissés un dernier album où il parle de la Françafrique, mais également du traitement infligé aux personnels domestiques « qui sont des travailleurs et ne doivent pas être traités comme des esclaves ». Deux thèmes qui à première vue n’étaient pas « associables », mais Seydina Insa Wade était cet artiste capable de voguer d’une grande question internationale comme les relations entre la France et l’Afrique, aux conditions de travail d’un prolétariat incarné par les femmes domestiques. Aujourd’hui, Baye Seydi a rejoint son Eldorado. Cette contrée mythique de Saraba qu’il a tant chanté et magnifié à la suite des griots de la tradition, ce pays de légende qui est en quelque sorte l’au-delà